Les 17 et 18 septembre derniers, Neïl Beloufa, Patrick Bouchain, Santiago Cirugeda, Julio Jara et Cristina Pato, lauréats du Prix Artiste citoyen engagé, se sont retrouvés pour la première fois ensemble pour explorer avec le public, les richesses insoupçonnées de la banlieue parisienne et de ses habitants. Une rencontre itinérante sous le signe de la transmission et de la jeunesse, marquée par la joie de partager, de discuter, de vivre l’art comme porteur d’espoir et de changement.
Regards croisés
Le 18 septembre dernier, nous avons eu le plaisir de retrouver Neïl Beloufa, Patrick Bouchain, Santiago Cirugeda, Julio Jara et Cristina Pato réunis pour la première fois durant un échange à bâtons rompus. « Explorer, imaginer, transformer l’école » : tel était le thème de cette discussion publique sous le chapiteau du Plus Petit Cirque du Monde à Bagneux, avec 6 jeunes invité.e.s, Lucie Cortes, Louis Felice, Yamna Makhlouf, Hugo Sanchez, Estelle Sérèmes, Benjamin Soskin.
« Cette rencontre n’avait pas la prétention d’accorder en quelques heures les participants sur une liste formelle de propositions. Il s’agissait de croiser les regards de jeunes et d’artistes » souligne Anastassia Makridou-Bretonneau, Responsable de l’axe Art Citoyen de la Fondation. « Les jeunes invité.es qui ont exprimé leur désir de s’engager dans de nouvelles formes d’apprentissages plus collectives et horizontales, sont prêts à prendre des initiatives pour faire bouger les lignes, tout comme les artistes lauréats qui font un pas de côté en mobilisant leur inventivité et leurs différents savoir-faire au sein de projets participatifs dans le domaine social, éducatif, environnemental… »
Un constat partagé par Mélanie Bouteloup, Commissaire indépendante : « Au cours de la préparation de cet événement, j’ai rencontré des personnes débutant leurs études avec qui j’ai eu des échanges passionnants et enthousiastes. Ce qui m’a frappé, c’est cette volonté commune de replacer l’humain au cœur de nos manières d’apprendre et de vivre en société. L’art a cette capacité de valoriser le processus et d’intensifier nos connexions. » La période de crise que nous avons traversée et dont l’ombre est toujours pesante, nous a brutalement rappelé à quel point le rôle des artistes déterminant dans un monde si incertain. Figures créatives et particulièrement inspirantes, ils s’engagent dans des actions concrètes et exigeantes dans le long terme.
Au cours de cette conversation, qui a mêlé constats critiques mais aussi espoir et poésie, jeunes et artistes se sont retrouvés sur la nécessité de cultiver une part de liberté et de faire confiance aux individus, à la puissance du collectif pour imaginer d’autres possibles et mettre en œuvre des projets en marge, porteurs de changement.
Ensemble pour un Grand voyage en banlieue parisienne
L’enjeu de la transmission était également au cœur des échanges comme l’a rappelé Patrick Bouchain, architecte et urbaniste : « J’ai toujours refusé les prix. J’ai accepté celui-ci un peu comme un parrain, aux côtés de la Fondation, pour assurer un passage vers les artistes et citoyens qui ne demandent qu’une seule chose, c’est de s’engager. »
Récompensé par le Prix Artiste citoyen engagé, Patrick Bouchain est l’un des initiateurs de cette rencontre qui a par ailleurs convié les artistes lauréats à prendre part à une traversée inédite de la banlieue parisienne, en bateau, à pied, en bivouac. « Le programme proposé par Le Grand Voyage était passionnant et atypique » relate Anastassia Makridou-Bretonneau. « Il a révélé aux participants cette métropole périphérique en gestation, ce Grand Paris, riche de sa diversité, de ses paysages urbains, de sa créativité qui sont de belles promesses, si nous ne reproduisons pas les mêmes erreurs que par le passé. »
Organisé dans le cadre des Journées du Patrimoine, cet événement multiforme posait la question de sa transmission et de sa valeur, comme l’a souligné Fanny Taillandier, commissaire, dans un entretien à France Culture : « Qu’est-ce qu’un patrimoine ? Est-ce forcément un patrimoine économique ? Peut-il être aussi un patrimoine symbolique ? Peut-on parler de patrimoine écologique ? (…) On est à la fois les récipiendaires d’un patrimoine, et à la fois ceux qui vont décider de le sauvegarder, de le préserver pour le transmettre. La jeunesse me paraît au bon endroit pour s’emparer de ces questions puisque quand on est jeune, on s’apprête à recevoir mais on sait aussi qu’on peut refuser de recevoir. Être jeune, c’est aussi dire « non je ne veux pas de ce monde-là, de cette architecture-là ». Il était vraiment important de réfléchir avec les jeunes, en formation ou tout juste entrés dans le monde actif, pour dessiner ces parcours à travers l’Ile-de-France. »
C’est dans ce contexte original que les artistes lauréats, pour certains venus d’Espagne et des Etats-Unis, ont proposé des impromptus artistiques avec le public : Julio Jara, pour une performance A-corriente à l’arrivée des randonneurs à Bagneux, Neïl Beloufa pour un concours de comptage jusqu’à l’absurde dont les règles du jeu ont évolué au gré des échanges, et Cristina Pato pour une balade au son de sa cornemuse galicienne mêlée aux percussions et danses des artistes de l’association Koule-Kan France. Pour Anastassia Makridou-Bretonneau, « cet événement a permis aux lauréats du Prix de mieux se connaitre et d’identifier leurs dénominateurs communs. Des complicités humaines et intellectuelles ont pu naître au cours de ces deux journées durant lesquelles nous avons arpenté des lieux atypiques de la banlieue parisienne, où la dimension citoyenne de l’art et de la culture doit trouver toute sa place. »
Une communauté amenée à grandir en 2022
Ainsi, pour célébrer cette édition du Prix Artiste citoyen engagé, nous avons posé une première pierre dans la création d’une communauté amenée à grandir. Le lancement de ce Prix en 2020 nous a permis de découvrir des projets artistiques remarquables et nous conforte dans notre conviction de sa nécessité. Grâce à l’engagement citoyen des artistes, l’art devient aussi un acteur du changement dont notre société a besoin pour favoriser le dialogue, la création d’imaginaires communs, l’épanouissement de tous.
Nous entendons poursuivre ce chemin tracé ensemble lors de la prochaine édition, prévue en 2022, pour encourager les liens entre artistes et citoyens autour d’actions qui soient ambitieuses, tant dans leur dimension sociétale qu’artistique. Notre objectif est double : mettre en réseau ces artistes et rendre plus visibles leurs projets alternatifs avec lesquels ils tentent de répondre à nos besoins grandissants.
