Nous sommes allés à la rencontre de 3 des projets lauréats de notre appel “Composer les savoirs pour imaginer un avenir durable 2025”. Les extraits de nos échanges mettent en lumière leur engagement et la pluralité de leurs actions, au croisement des arts et des sciences, pour composer et faire dialoguer les savoir autour de la thématique de l’eau.
Comment aborder la problématique de l’eau, donner à voir, à comprendre, à transmettre la multiplicité de ses voies et de ses enjeux de préservation dans les territoires ? De la Guyane en passant par la Nouvelle Aquitaine ou encore les Alpes Maritimes, c’est cet engagement citoyen essentiel, que mèneront les artistes et scientifiques des 10 projets sélectionnés pour cette 7ème édition de notre appel à projets « Composer les savoirs ». Des projets retenus par la Fondation pour leur singularité et leur impact parmi plus de 300 candidatures. Dans un contexte où la gouvernance de l’eau est cruciale, leurs actions vont concourir à (re)composer les savoirs pour sensibiliser, mobiliser, poétiser et avancer vers une transition écologique juste et durable.
Trois projets lauréats, entre la Guyane, les Alpes Maritimes et la Nouvelle-Aquitaine, se racontent…
Découvrez les 10 lauréatsProjet GRAOU – Atlas des écologies invisibles
Propos recueillis auprès de Cyril Costes, architecte/dessinateur à Cayenne, Chargé de projets Atlas des écologies invisibles.
Votre projet en quelques mots ?
Atlas des écologies invisibles, ce sont des résidences croisées qui rassemblent habitants, chercheurs et dessinateurs dans les jardins de Cayenne. L’objectif est de mettre en lumière les savoirs vernaculaires pour ensuite les faire remonter jusqu’aux décideurs.
Pourquoi vous intéresser en particulier aux jardins ?
En Guyane, l’alternance entre saisons très humides et très sèches est normale, mais le changement climatique accentue ces déséquilibres : les pluies deviennent plus intenses, les sécheresses plus marquées. Notre enquête dans les jardins nous permettra de voir comment les habitants s’adaptent à ces variations et de faire émerger des solutions à partager à une échelle plus large.
Il existe de nombreux types de jardins en Guyane : ornementaux, vivriers, médicinaux, mais aussi des dispositifs ingénieux de gestion de l’eau. (…) À l’issue de cette recherche, nous constaterons sans doute également qu’il existe bien plus de production alimentaire dans les jardins de Cayenne qu’on ne l’imagine. Beaucoup de jardins vivriers restent invisibles, notamment les abattis, ces jardins mobiles qui assurent une production alimentaire essentielle.
Quelle est votre ambition avec le dessin ?
Ce projet associe recherche et dessin. L’ambition de notre association est de montrer que le dessin, pratiqué à la main et sur le terrain, peut produire de la connaissance. Il permet de dialoguer au-delà des langues. Dans un territoire où le français n’est pas toujours partagé, il devient un langage universel : une manière de regarder autrement, de prendre le temps, et de créer une rencontre. (…) L’eau est un élément insaisissable, toujours changeant. Être sur le terrain, dessiner, c’est une manière de mieux saisir ses effets concrets : ce qu’une pluie transforme, ce qu’elle fait émerger, et comment les habitants s’y adaptent.
Projet Roya Open Sources – atelier rural en Roya
Propos recueillis auprès de Morgane Ganault – Chargée de projets et coordinatrice de Roya Open Sources, Atelier Rural en Roya.
Votre projet en quelques mots ?
Roya Open Sources est un jeu de mots qui été inspiré de cette idée d’un savoir en accès libre. Notre but est de rendre accessible au plus grand nombre un savoir à la fois académique, mais aussi un savoir du terrain, à des groupes qui ne sont pas forcément en lien. Nous souhaitons créer une passerelle entre le monde universitaire qui vient étudier des sources, avec une lecture hydrogéologique d’un espace donné, et un savoir du territoire qui est transmis de manière orale par des gens qui vivent dans cet espace depuis des générations. Nous faisons dialoguer un savoir populaire et un savoir académique via une intervention artistique.
Comment composez-vous les savoirs avec ce projet ?
La Roya, c’est une rivière qui est vraiment une rivière en tresse, et c’est un peu comme ça qu’on s’est composé aussi. Nous trouvons important de varier les arts et les supports parce qu’on a tous des sensibilités différentes (conte, photographie, vidéo…). Le tissage est également interdisciplinaire avec le monde scientifique. Les artistes étudient le travail des scientifiques sur le terrain et on en fait un substrat pour de la création ou de la vulgarisation et réciproquement, certains scientifiques vont aller avec les artistes et observer leur pratique dans la création ou dans les ateliers.
Quelles actions menées et à mener ?
Parmi nos actions déjà menées, il y a des interventions scolaires depuis un an pour faire de la cartographie sensible sur les cours d’eau avec des élèves de la maternelle jusqu’au CM2. Nous avons aussi initié un atelier d’écriture avec la réalisation d’une bande dessinée sur la question des embouchures des fleuves présentée lors de l’UNOC avec le collège Jules Romain, le Mamac et ARTPORT_makingwaves. Nous travaillons avec un photographe autour des paysages. Nous avons fait intervenir un fontainier pour transmettre son savoir autour des sources du village et créer de nouveaux imaginaires avec les enfants sur cette base.
Parmi les actions qui vont se faire, nous travaillons autour d’un glissement de terrain lié à des infiltrations dans un village, le village de Saorge. Nous avons des hydrogéologues qui étudient, une illustratrice et un journaliste qui les ont suivis et qui ont aussi permis de tisser du lien avec des habitants. Cela a donné lieu à un enregistrement et des planches qui vont être présentées aux habitants lors d’une table ronde qui se tiendra dans le courant des mois à venir.
Projet Médecine Castor – Pour des alliances inter-espèces face au chaos climatique
Votre projet en quelques mots ?
Médecine Castor est un projet hybride avec à la fois des expositions et des actions les pieds dans les rivières. Se déployant sur le territoire de la Nouvelle Aquitaine, il est multiforme et se traduit par des actions artistiques et scientifiques avec un impact direct sur l’environnement. Notre enjeu est de sensibiliser des publics divers autour du rapport à la rivière, à l’eau, dans nos paysages, et au rôle des castors.
Le Frac soutient ce projet car nous souhaitons créer un lien entre le volet artistique et les questions socio-politiques et écologiques dans les territoires. Le Frac est un catalyseur de synergies et soutient le développement de conversations entre différents contextes. C’est notre mission étendue de diffusion.” Irene Aristizábal, Directrice Frac Poitou Charentes
Pourquoi mettre l’eau au centre ?
L’eau est un enjeu sociétal central à l’échelle régionale et au niveau mondial. Il est urgent de comprendre son rôle au sein de notre existence et celle du monde. C’est une priorité politique pour la région Nouvelle Aquitaine et une ligne directrice de notre travail actuel au FRAC autour des questions écologiques. Tout le monde a une connexion à l’eau. Irene Aristizábal, Directrice Frac Poitou Charentes
Et le rôle des castors ?
Ce qui est beau dans ce projet c’est qu’au-delà d’un animal, le castor, travailler sur son action et son existence à nos côtés nous permet d’aborder des questions aussi diverses que la restauration des sols, le retour de la biodiversité, de l’interdépendance des espèces et donc une réflexion sur le vivant. Oriane Zugmeyer, Responsable du pôle de diffusion et des publics.
Qu’apporte concrètement le soutien de la Fondation aux projets ?
Le dessin est un processus lent. Le soutien de la Fondation nous donne le temps nécessaire pour dialoguer, échanger et partager des savoirs. Il apporte aussi une légitimité précieuse à notre démarche : reconnaître le dessin comme un véritable outil de production de connaissance. (…) Cette expérience nous permettra de rendre notre méthode de recherche encore plus solide. Cyril Costes, architecte/dessinateur à Cayenne, Chargé de projets Atlas des écologies invisibles.
Le soutien de la Fondation a permis de lancer une dynamique collective autour d’un objectif commun. Cela a créé un engagement de 10 artistes professionnels qui ont pris de leur temps, qui ont utilisé leurs compétences et qui ont décidé de mettre ça dans un pot commun pour répondre à cet appel. Un premier mouvement d’artistes s’est créé qui s’engage pour agir sur l’eau, leurs récits et l’imaginaire. L’autre point, c’est aussi de développer, d’inclure et vraiment d’ancrer dans le territoire des savoirs scientifiques. Et le troisième point est de valoriser toute une population qui est bien souvent méprisée ou qu’on ne va pas consulter alors qu’elle connaît très bien son territoire et qu’elle aurait beaucoup à dire. Morgane Ganault – Chargée de projets et coordinatrice de Roya Open Sources, Atelier Rural en Roya
Le soutien de la Fondation est essentiel pour la réalisation du projet à cette échelle. Il va nous permettre de travailler en profondeur ce lien artistique-scientifique, entre la réalisation d’actions sur des sites spécifiques, la production d’œuvres et des actions de médiation. (…) Nous pourrons renforcer notre engagement art citoyen et travailler sur de nouvelles formes, tout en expérimentant en réseau, à un niveau qui aura encore plus de visibilité. Irene Aristizábal, Directrice Frac Poitou Charentes, projet Médecine Castor




