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Renforçons les liens entre les artistes et la société 

Art citoyen
13 octobre 2021

Frappant le secteur artistique et culturel de plein fouet, la crise sanitaire que nous traversons depuis plus d’un an, a mis à mal le parcours de milliers d’artistes. Etre ou vouloir être artiste aujourd’hui est une vocation faite de passion, mais aussi un chemin semé de doutes et de défis quotidiens. Il nous est apparu évident de les soutenir, d’être présents à leurs côtés à un moment de fragilité et de précarisation de leurs conditions de vie. Nous ne voulons pas d’une génération d’artistes sacrifiés. Après cette tempête, nous sommes encore plus déterminés à renforcer les liens entre la création contemporaine et une société en proie à la défiance et au morcellement. Car, depuis notre création, nous sommes animés par la conviction que l’art et la culture sont des facteurs essentiels d’émancipation et d’épanouissement, et que les artistes ont un rôle central à jouer dans le monde à venir, à l’image des premiers lauréats de notre nouveau Prix Artiste citoyen engagé.

Des aides d’urgence au cœur de la crise

Alors que la crise du Covid 19 plonge le pays dans le confinement au printemps 2020, l’arrêt du monde de la culture met un coup de frein à la carrière des artistes mais aussi à leurs moyens de subsistance. Stages et missions annulées, perte des jobs étudiants, du soutien familial, des aides du CROUS pendant l’été, des possibilités de participer à des expositions… « La crise a mis en danger le devenir des artistes de manière abrupte, en particulier les étudiants, qui ne pouvaient plus faire face aux besoins de la vie quotidienne » souligne Anastassia Makridou-Bretonneau, Responsable de l’axe Art Citoyen de la Fondation. « Nous avons répondu au cri d’alarme de nos partenaires et mis en place un soutien d’urgence. »

Avec notre appui, le Fonds d’aide d’urgence de l’Université PSL (Paris Sciences et Lettres) a distribué 183 aides aux étudiants en école d’art (CNSAD, l’ENSAD, La Fémis, les Beaux-Arts, le CNSMDP et l’ENSA Paris Malaquais), destinées leurs frais d’alimentation, de logement mais aussi à l’achat ou l’entretien de matériel informatique et numérique. Le Fonds de soutien créé par Artagon auquel nous avons également pris part, a quant à lui, permis de verser une bourse d’aide de 200€ à plus de 300 étudiants en grande difficulté, inscrits dans 52 écoles d’art publiques françaises.

Avec la Cité internationale des Arts, nous avons lancé un programme de résidences d’artistes leur offrant un espace de vie et de travail, un soutien financier et un environnement artistique propice, pour une durée de six mois en 2020. Une initiative poursuivie et renforcée en 2021, avec une situation sanitaire et économique qui pèse sur de nombreux artistes et professionnels fragilisés, pour certains contraints de se détourner de leur pratique de création.

Lauréats Carasso 2021 - Crédits Cité internationale des arts x Maurine_Tric-3473-2BD

« A travers cette mobilisation, la question de la fragilité des débuts de carrière nous est apparue essentielle. La crise a révélé et accentué une situation déjà existante et structurelle mais qui était plus silencieuse, pouvant remettre en cause les vocations et donc, la capacité de notre société à créer, à proposer de nouveaux imaginaires pour les générations actuelles et futures » explique Anastassia Makridou-Bretonneau. « Notre Fondation ne voulait pas seulement être présente dans le cadre de l’urgence mais voir plus loin, en agissant de manière pérenne dans la lignée de notre axe Art Citoyen. » Une prise de conscience partagée par les acteurs de terrain, à l’image d’Anna Labouze et Keimis Henni, fondateurs d’Artagon : « Après la mise en place d’aides d’urgence, nous nous sommes demandés ce que nous pouvions faire pour répondre aux besoins de cette jeunesse. La fin des études est un moment charnière que beaucoup appréhendent car souvent synonyme de solitude. En moyenne, il faut compter 5 ans pour qu’un artiste sorti d’école émerge, et nombre d’entre eux y renoncent. Nous avons imaginé un sas, une zone ressource, espace de travail et de rencontre pour les accompagner vers l’autonomie.»

Émergence d’un nouveau lieu à Marseille

Artagon Marseille, lieu hybride de production, de transmission et de partage dédié à la création et aux cultures émergentes, accueille en résidence depuis cet été, 25 artistes sortis d’études, en reconversion ou autodidactes, ainsi que 25 porteurs de projets culturels (association, édition, média…). « Marseille attire de plus en plus d’artistes. Du côté des porteurs de projets culturels, il y a aussi une vraie demande d’accompagnement » ont constaté les fondateurs.L’opportunité s’est présentée avec la reconversion des anciennes usines Pernod-Ricard en tiers-lieu éducatif, « en réelle complémentarité avec notre projet culturel et artistique. Et cela nous tenait à cœur de nous implanter dans les quartiers Nord où plein de choses sont à imaginer pour développer l’offre culturelle. »

Déployé sur plus de 2000 m2, le lieu se compose d’ateliers individuels et collectifs, de bureaux partagés, ainsi que d’espaces de production, de formation, de réunion et de programmation. Les résidents y sont accompagnés gratuitement à travers des permanences individuelles, des ateliers professionnels où ils bénéficient d’un regard extérieur qui leur permettront de structurer leur activité et de démarrer leur carrière sereinement. « A la manière d’un incubateur, l’objectif est de fédérer et d’accompagner leur insertion professionnelle et artistique, en tenant compte des individualités et de la variété des profils pour que chacun puisse trouver sa voie. »

Fin août 2021, l’inauguration des locaux à l’occasion d’Art-O-Rama, salon international d’art contemporain, a attiré beaucoup de professionnels. Mais Artagon est aussi un lieu public ouvert sur son environnement.  « Nous sommes là pour favoriser l’engagement des artistes dans la société, au plus près des citoyens. Les activités et la programmation sont façonnées par les résidents. Pour l’ouverture par exemple, ils ont fait du porte-à-porte dans le quartier et organisé des événements avec et pour les habitants : concours de pétanque, ateliers cuisine, maquillage, danse, bingo… »

Les réactions ont été très positives, tant dans le milieu artistique et institutionnel que de la part du grand public. « Ce n’était pas gagné d’avance pour une association comme nous, venue de Paris ! Nous veillons à consulter et favoriser les discussions. Une fête des voisins avec les résidents a notamment permis de recenser les envies et les besoins. Notre responsabilité et notre défi sont aujourd’hui d’accompagner ces initiatives prometteuses. »

D’ores et déjà les activités prennent forme. Un projet de ciné-club, de jardin partagé, des ateliers et des stages à la programmation alléchante : design & foot, balades, cueillette et cuisine, urbanisme participatif pour aménager la cour extérieure du lieu, hacker space au féminin, salon de micro-édition, rencontres avec des personnalités inspirantes… Et les liens se tissent avec les structures scolaires, les écoles d’art et les structures sociales.

Alors Artagon Marseille est-il un lieu innovant ? Pour Anastassia Makridou-Bretonneau, « ce concept est original dans le sens où il répond à des besoins différents, identifiés de longue date, en apportant un cadre structuré. » « Il n’y a pas grand-chose de nouveau en tant que tel, mais un assemblage dans un même endroit de solutions qui existent déjà » partagent Anna Labouze et Keimis Henni. « Une de nos particularités est de mélanger les disciplines (théâtre, danse, cinéma, design, peinture…), les profils entre artistes et structures culturelles et de proposer des moments de rencontres accessibles gratuitement au grand public. »

Portrait-Anna Labouze & Keimis Henni-© Robin Plus-4
«
La Fondation a pris le temps de comprendre notre projet. C’est une chance d’avoir un tel engagement dans le suivi et l’accompagnement de la part d’un financeur.
»
Anna Labouze & Keimis Henni, fondateurs d’Artagon 

Pour la Fondation, la dimension collective et citoyenne de ce projet était fondamentale. Fondées sur la création de liens avec la société, les actions d’Artagon encouragent les artistes à penser leur pratique non pas dans une bulle isolée, mais en lien avec les publics, notamment les jeunes et les adolescents issus de milieux populaires pour leur permettre de se sensibiliser aux arts, développer un regard critique et participer à leur émancipation par la culture. « La création contemporaine a encore la réputation d’évoluer dans ses propres sphères, loin des enjeux et des autres acteurs de la société et des territoires. C’est la raison pour laquelle elle est souvent qualifiée comme étant élitiste, déconnectée, hermétique et hors-sol, malgré l’envie des artistes, et notamment des jeunes de s’engager, à l’heure où la question de l’utilité sociale de l’art se pose » concluent-ils.

Accompagner les artistes en exil

Crée en 2017, L’atelier des artistes en exil (aa-e), structure unique en France, a pour mission d’accompagner des artistes de toutes origines, toutes disciplines confondues, en leur offrant des espaces de travail et en les mettant en relation avec des professionnels afin de leur donner les moyens d’éprouver leur pratique et de se restructurer. Particulièrement touchés par la crise sanitaire, ces artistes fragiles ont besoin d’un soutien adapté comme l’explique, Judith Depaule, Directrice : « Vivre de son art est un défi en soi mais pour un artiste étranger, outre l’enjeu de maîtrise de la langue, la structuration du milieu culturel français est très difficile à comprendre : distinction entre public et privé, entre pratique amateure et professionnelle, statut de l’intermittence… »

A l’aune de notre fonds d’urgence et de solidarité, notre Fondation soutient des formations certifiantes en médiation qui, depuis septembre 2021, bénéficient à une dizaine d’artistes. « Approfondissant le travail mené lors des cours de français, ces ateliers leur permettent d’acquérir du vocabulaire spécialisé et du recul pour présenter leur travail, mais aussi des compétences pour monter un projet, pour trouver des débouchés professionnels dans la médiation artistique. Un secteur qui s’enrichit également de cette diversité de regards. » Judith Depaule.

En parallèle, nous avons encouragé les projets participatifs menés par des artistes en exil auprès de mineurs non accompagnés. Les ateliers de danse ont fait l’objet de deux restitutions publiques à la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs au centre de Paris. Et un stage intensif d’été a donné lieu à une première partie slam-rap lors du festival 4,3,2,1 organisé par l’association dans des lieux emblématiques parisiens. Un festival dont la description nous rappelle à quel point nous avons besoin de nous retrouver et de partager à travers l’art : « 4,3,2,1… c’est un compte à rebours, une pulsion post-confinement, un appel à repartir, une tentative de raisonner le temps, une incitation à revenir à la vie, à renouer avec l’essentiel, à retrouver goût et odeurs oubliés. »

Crédits photos

Une : Stélios Lazarou, artiste résident d’Artagon Marseille © Thomas Bader

Promotion 2021 Résidence  @ Cité internationale des Arts

Vues de l’ouverture des portes d’Artagon Marseille, 26-29 août 2021 Marie Genin – © Artagon

Atelier paillette par Sœurs Malsaines, résidentes d’Artagon Marseille  © Artagon

© Atelier co-co, structure résidente d’Artagon Marseille

Portrait Anna Labouze & Keimis Henni © Robin Plus

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