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Transition agroécologique : 9 nouveaux projets en 2020

Alimentation Durable
11 décembre 2020

Afin d’accélérer la transition, nous avons réuni 4 réseaux du monde agricole autour d’une vision commune de l’agroécologie, concrétisée par un appel à projets. Pour cette première édition, 9 projets d’échanges et de partage portés par des collectifs d’agriculteurs de tous horizons, ont été sélectionnés.

Une dynamique de changement de modèle

Si l’agriculture française a historiquement été sollicitée par les pouvoirs publics et la société pour assurer l’autonomie alimentaire, des signaux d’alarmes de plus en plus clairs et visibles ont amené des acteurs à prendre conscience des limites du modèle agricole basé sur des pratiques standardisées, et sur l’utilisation intensive de ressources. Ce fonctionnement a un impact significatif sur le dérèglement climatique, dont les agriculteurs sont aussi les premières victimes, comme le souligne Guilhem Soutou, Responsable de l’axe Alimentation Durable.

Afin d’encourager les changements, la Fondation Daniel et Nina Carasso et 4 réseaux associatifs, coopératifs et fédératifs de l’agriculture (Fadear, Cuma, Civam et Trame), se sont réunis autour d’une vision commune de l’agroécologie pouvant transformer toutes les formes actuelles d’agriculture et inspirer de nouveaux acteurs.  Cette vision induit des changements dans la façon d’analyser, d’évaluer et de concevoir tant les pratiques agricoles, que les systèmes de production et d’échange avec l’aval :

  • L’abandon de la recherche de solutions standardisées au profit d’une diversité de systèmes à construire par les acteurs eux-mêmes, dans chaque contexte écosystémique et socio-économique, à l’échelle de territoires ;
  • L’intégration de tous les niveaux dans lesquels opèrent les processus écologiques et socio-économiques de l’agroécologie : la parcelle / le champs (lieu des interactions eau, sol, plantes, animaux…), la ferme agricole / le bateau de pêche (unité de gestion et de vie), le territoire / la zone de pêche (échelle 4 d’organisation du paysage, des relations sociales de proximité, des systèmes alimentaires et de maîtrise des flux et impacts sur les ressources) ; la planète (impacts environnementaux et économiques globaux) ;
  • L’association des savoirs empiriques et des connaissances scientifiques afin de produire des connaissances appropriables par le plus grand nombre ;
  • Une réinscription des pratiques dans le temps long, celui des processus écologiques (croissance d’un arbre, d’une population de poisson, maintien ou restauration d’un sol de qualité, changement climatique…), celui des acteurs (nouveaux apprentissages et compétences à acquérir pour les agriculteurs, les pêcheurs, les chercheurs et accompagnateurs…) et enfin celui des institutions (gouvernance, nouveaux référentiels de politiques publiques).
Soutou
«
Cette initiative vient poursuivre le programme de recherche-action que nous menons avec la Fondation de France, encourageant l’innovation et l’hybridation des savoirs. Elle complète les actions menées au sein de l’axe Alimentation Durable et dans le cadre de notre politique d’investissement à impact, avec une approche systémique de l’alimentation, allant de la fourche à la fourchette.
»
Guilhem Soutou, Responsable de l’axe Alimentation Durable

Des agriculteurs mobilisés sur le terrain

Cette vision commune se traduit par 3 appels à projets annuels (2020-2021-2022) visant à soutenir les échanges d’expérience entre des collectifs d’agriculteurs d’horizons variés, n’ayant pas l’habitude de pratiquer entre eux des échanges et souhaitant s’enrichir mutuellement de leurs pratiques agroécologiques respectives.

En effet, dans de nombreux réseaux, des agriculteurs sont mobilisés et expérimentent des pratiques agroécologiques. Ils disposent d’expériences et de connaissances agronomiques précieuses et utiles pour leurs confrères qui souhaitent s’engager dans des formes d’agriculture plus résilientes, autonomes et plus respectueuses des personnes et des écosystèmes.

Pour Francis Claudepierre, Président de Trame, La transition agro-écologique suppose des changements de pratiques, mais aussi de systèmes et de stratégie, voire de vision du métier. Pour soutenir ces transitions complexes à vivre pour les agriculteurs et agricultrices, le collectif est un levier qui peut permettre de se rassurer, de faire le point, d’accéder à de nouvelles compétences, d’élargir l’horizon de ses réflexions… L’agriculture française serait bien différente sans ces agricultrices, ces agriculteurs et ces salariés agricoles engagés dans des collectifs. Il ne faut jamais oublier l’importance de cette énergie montante du terrain !

Une énergie confirmée par les 80 dossiers de candidatures reçus cette année et examinés par un jury composé d’agriculteurs, de chercheurs, d’ingénieurs, de sociologues et d’experts issus de collectivités locales et de fondations. Afin d’appréhender leurs impacts et de diffuser les connaissances susceptibles d’accélérer la transition agroécologique, un financement est également dédié à la capitalisation des apprentissages.

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«
Les réponses massives des groupes d’agriculteurs.trices aux horizons variés sont un bon indicateur pour montrer qu’ils sont nombreux à souhaiter dialoguer et à être mobilisés pour étendre la transition agroécologique sur les territoires, au-delà de leurs propres fermes. C’est encourageant pour la suite ! 
»
Simon Carraz, paysan en Lozère et administrateur FADEAR

Des échanges durables à l’échelle des territoires

Pour cette première édition, 9 projets portés par des collectifs d’agriculteurs, de productions (viticulture, maraîchage, élevage ovin, bovin, caprin…) et de tailles diverses, ont été sélectionnés en France métropolitaine et dans les territoires d’Outre-Mer.

Initiés par les collectifs eux-mêmes, ces projets créent un environnement dynamique et durable de diffusion des savoirs empiriques, des techniques et pratiques agroécologiques à travers des ateliers de travail, des visites de fermes, des voyages d’étude et des méthodes originales d’animation et de médiation (vidéos, liens avec la formation, dimension artistique).

L’enjeu du triage des récoltes de céréales et légumineuses (Cuma, Ouest) L’association de céréales et légumineuses est une pratique agroécologique prometteuse, qui se heurte à des enjeux techniques notamment lors du triage des récoltes. Plusieurs centaines d’agriculteurs répartis dans 30 groupes issus des réseaux CUMA, CIVAM, CETA et GAB des régions Bretagne, Pays de la Loire et Normandie échangent via des visites de groupes ou des rencontres annuelles sur les solutions de triage pour massifier cette pratique.

Échanges autour du maraîchage (Civam, PACA) Des collectifs maraîchers bio et conventionnels de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, appuyés par la Chambre d’Agriculture, le CIVAM, Agribio et le CETA organisent des rencontres à la ferme et produisent des vidéos pour échanger sur leurs pratiques agroécologiques mais aussi avec d’autres maraîcher.ères,  l’enseignement agricole et les collectivités locales.

Redonner vie à l’élevage pastoral (Civam Empreinte, Causses et Cévennes) L’élevage pastoral, inscrit dans l’écologie et l’histoire des Causses et des Cévennes, se perd. Cependant, plus de 30 bergers et bergères issus de 3 collectifs disparates renouent avec le pastoralisme et souhaitent échanger, capitaliser et redonner vie à ces savoirs et savoir-faire. Le CIVAM Empreinte accompagne ces groupes et diffuse les connaissances vers des éleveurs (via l’Institut de l’élevage), des jeunes en apprentissage ou en cours d’installation.

Des éleveurs-formateurs pour diffuser les pratiques (Cuma AuRA, Rhône-Loire) Une cinquantaine l’éleveurs du territoire Rhône-Loire issus des réseaux CUMA, FEVEC et CDA échangent sur les pratiques agroécologiques de gestion de la santé animale, de l’autonomie fourragère, de la santé des sols, etc. Ils sont appuyés par la FR CUMA, TRAME et l’ISARA pour former des « éleveurs- formateurs » qui deviendront autant d’ambassadeurs de ces pratiques.

Visites et accompagnement autour de l’agroforesterie (ANBDD, Normandie) L’Agence Normande de la Biodiversité et du Développement durable (ANBDD) propose aux agriculteurs normands 5 circuits permanents de visites chez des agriculteurs inspirants, qui pratiquent et sensibilisent sur l’agroforesterie, les haies bocagères, l’élevage herbager, l’agriculture de conservation. A la suite des 700 visites prévues, le CIVAM facilitera le transfert de pratiques en proposant un accompagnement aux agriculteurs intéressés.

Les viticulteurs face au réchauffement climatique (Chemin Cueillant, Minervois) La cinquantaine de vignerons, adhérents de Chemin cueillant expérimente depuis plusieurs années des pratiques agroécologiques. Face au changement climatique un nombre croissant de vignerons aux alentours, dans le Minervois ou à St Chinian, sollicite l’association. Elle leur propose des formations, des visites terrain, des accompagnements au changement de pratiques, adaptées au réchauffement.

Recréer des liens entre agriculteurs par l’art (PETR, Pays Midi Quercy) Les acteurs du territoire du Pays Midi Quercy ont constaté l’isolement et l’absence de liens entre les agriculteurs. Ils organisent des échanges entre les agriculteurs de la charte « produit en Midi Quercy », du CIVAM Semailles, de FDCUMA 82 et de l’ADEAR 82 en s’appuyant sur l’intermédiation du Centre d’art La Cuisine.

Renaissance des Koudmen en Martinique (Cols verts Martinique – Ta Nou) Le Koudmen martiniquais consistait autrefois à s’entraider entre agriculteurs voisins lors de travaux manuels particulièrement physiques (sarclage, récolte etc.). Plusieurs dizaines d’agriculteurs redynamisent cette tradition en organisant un Koudmen d’environ 15 agriculteurs tous les 2 mois. Les Cols verts, avec l’appui des réseaux bio et de la Chambre d’agriculture, associent à cette entraide un moment d’échange convivial et de formation autour de pratiques agroécologiques.

Des fermes traditionnelles pilotes en Guyane (AGREG, Guyane) 80% des 6 000 agriculteurs guyanais pratiquent une agriculture familiale traditionnelle, non reconnue malgré ses vertus environnementales. Agroécologie Guyane (AgrEG) monte un réseau de fermes traditionnelles pilotes, lieux d’échanges entre collectifs paysans et avec les consommateurs. Ces échanges devraient aboutir à la création d’une certification officielle reconnaissant et valorisant l’agriculture guyanaise traditionnelle durable.

Une vision partagée de la transformation agroécologique

Engagée pour le développement d’une Alimentation Durable, notre fondation conçoit la transition agroécologique au niveau global : économique, environnemental et sociétal. Nous avons pu réunir des acteurs variés du monde agricole autour d’une ambition commune pour accélérer la transformation.

Une initiative originale et courageuse comme le souligne Thierry Gissinger, membre du jury et responsable Environnement à la Fondation de France. Les bailleurs du monde de l’agriculture proposent souvent des approches par technique ou par type de production, rarement en fonction d’un territoire. La Fondation Daniel et Nina Carasso essaye de faire tomber les barrières. Elle fait le pari de l’accélération de la transition par le changement d’échelle, la massification les pratiques agroécologiques, par le dialogue et l’échange, en dehors des querelles de chapelle. C’est une brèche courageuse et un travail de longue haleine. 

Pour Jean-Luc Broca, agriculteur polyculture et élevage, 2ème vice-président de la Fédération nationale des CUMA, L’agroécologie est un enjeu d’actualités pertinent, lié aux évolutions sociétales, économiques, réglementaires et surtout climatiques. Personne ne peut nier aujourd’hui qu’il y a des adaptations à faire et à court terme !

Quant à Fabrice Bouin, Président de Réseau CIVAM, il rappelle le succès de cette première édition, tant dans le nombre de projets reçus, que dans la diversité des partenariats et des thématiques ou dans la motivation viscérale des porteurs à transformer les modèles agricoles et alimentaires actuels, pour mieux prendre en compte les mutations sociétales et les attentes citoyennes.

Merci aux membres du jury!

  • Aline BOY, Adjointe au chef de projet agroécologique, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation
  • Claire RUAULT, Sociologue membre du GERDAL, intervenante à l’IRC Montpellier
  • Danièle MAGDA, Chercheuse au département d’agroécologie de l’INRAE, membre du Comité d’Orientation et de Suivi de la Fondation Daniel et Nina Carasso
  • Emile FRISON, Membre d’IPES-Food, membre du Comité d’Orientation et de Suivi de la Fondation Daniel et Nina Carasso
  • Marianne CERF, Directrice de recherche à l’unité INRAE 1326 Sciences en Société
  • Pierre PUJOS, Agriculteur, président Arbre et Paysage 32
  • Samuel FERET, Expert associé, responsable de projet chez CIHEAM Montpellier, maire d’Arzal
  • Stephane BELLON, Ingénieur de recherche INRAE, département Science pour l’action et le développement
  • Thierry GISSINGER, Responsable du programme Environnement de la Fondation de France
  • Valentin BEAUVAL, Agriculteur
  • Valérie PEAN, Directrice de la mission Agrobiosciences de l’INRAE
  • Vincent BRETAGNOLLE, Directeur de recherche CNRS · Centre d’Etudes Biologiques de Chizé
  • Xavier COQUIL Ingénieur de recherche, unité Agrosystèmes, Territoires, Ressources  de l’INRAE

Copyright photos: Réseau Civam / Shutterstock FRCUMA

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