Comment les citoyens et acteurs locaux peuvent-ils se réapproprier leurs systèmes alimentaires et orienter leur évolution ? Telle est la question que nous avons soulevée avec la création de l’appel à projets Démocratie alimentaire. 11 structures ont été retenues pour explorer ce sujet et apporter des réponses afin de créer une société plus écologique, inclusive et épanouissante.
Un nouvel appel à projets dédié à la démocratie alimentaire
Partout en France, les habitants s’impliquent de plus en plus aux côtés des collectivités, d’entreprises, de chercheurs, ou au sein de collectifs associatifs, pour changer la donne. Ils se réapproprient les systèmes alimentaires dont ils dépendent et accélèrent les transitions qu’ils souhaitent.
Engagés depuis plus de 10 ans sur l’Alimentation durable, il nous est apparu important d’identifier, de comprendre et de faire connaitre ces initiatives qui incarnent de nouvelles manières de penser l’alimentation, d’agir ensemble, de faire société et de conjuguer écologie, solidarité, équité et démocratie.
Cet appel à projets avait ainsi pour objectif de financer des études et capitalisations qui permettent de mieux comprendre ces nouvelles formes et pratiques de la démocratie alimentaire. Une attention particulière a été portée à la participation aux processus de décision et à l’élaboration des politiques publiques locales, mais également à la manière de renforcer le pouvoir d’agir des habitants et des acteurs locaux. Sur les 40 dossiers présentés, 24 étaient éligibles, 17 ont été présélectionnés et 11 ont été retenus.
Accélérer la transition en documentant les approches participatives et inclusives
Face aux défis climatiques, sociaux, économiques et de santé auxquels nos systèmes alimentaires contribuent, nous sommes convaincus qu’une transformation de grande ampleur, incluant la participation des citoyens, est nécessaire et urgente. C’est pourquoi nous avons décidé de soutenir ces projets particulièrement inspirants par leur ambition démocratique.
Supermarchés coopératifs, tiers lieux nourriciers, épiceries participatives, sociétés coopératives d’intérêt collectif… sont autant de manières pour les habitants de se réapproprier les systèmes alimentaires. Ces pratiques encore peu connues ou émergentes, gagnent à être connues et documentées. Ainsi, tous les projets lauréats permettent de développer la connaissance, favorisent l’échange d’expérience et la mise en réseau à l’échelle locale, nationale ou européenne. Ils sont portés par des acteurs, publics ou privés, qu’il s’agisse de collectivités, d’acteurs de la distribution ou de la transformation, de producteurs ou encore d’associations.
Les 11 projets retenus
La grande redistribution ? Démocratie et écologie au sein des supermarchés coopératifs /LA FABRIQUE ECOLOGIQUE Portés par des consommateurs, les supermarchés coopératifs ne cessent de se développer pour rendre abordable une alimentation saine et durable.Ils se distinguent par des prix relativement inclusifs et des règles de fonctionnement démocratiques (égalité de représentation des bénévoles, implication dans les choix des produits, etc.). Cette enquête de terrain documentera ces initiatives récentes, questionnera le caractère démocratique et écologique des structures et identifiera les freins et les leviers à un développement de ces alternatives à la grande distribution.
Tiers lieux nourriciers : une réappropriation citoyenne ?/ FRANCE TIERS LIEUX De plus en plus de tiers-lieux dits « nourriciers » bousculent les systèmes alimentaires en mobilisant les citoyens. Depuis trois ans, France Tiers-Lieux, la Coopérative Tiers-Lieux, Fab’Lim et Réseau Cocagne étudient l’émergence de ce mouvement et renforcent les échanges de pratiques. Ils souhaitent aujourd’hui aller plus loin afin de mieux comprendre l’organisation, le fonctionnement et la contribution des tiers-lieux au renforcementdu pouvoir d’agir citoyen. Le projet vise à produire des outils pour les porteurs de projets et formuler des propositions afin de lever les freins à leur développement.
5 histoires pour y croire, une mise en récit positive au service des territoires / LE GERMOIR pour le collectif Fabrique des territoires nourriciers La Fabrique des Territoires Nourriciers vise à accompagner la montée en compétences des acteurs de l’alimentation durable et la mise en œuvre opérationnelle des stratégies alimentaires territoriales. Pour donner corps à ces ambitions, le projet souhaite mettre en récit 5 expériences inspirantes dans les Hauts de France et promouvoir ces projets alimentaires dans une optique d’évaluation itérative. Un temps de capitalisation réunissant acteurs et témoins des territoires permettra le croisement fertile des trajectoires, pour une transformation des individus et des collectifs.
Sécurité sociale de l’alimentation : analyse d’initiatives locales de démocratie alimentaire innovantes / INGENIEURS SANS FRONTIERES – AGRISTA Ce projet vise à analyser et capitaliser sur des initiatives locales expérimentant des processus de démocratie alimentaire inspirées du travail sur la Sécurité sociale de l’alimentation. Il permettra de documenter leurs modèles de fonctionnement et les conditions de réussite de ces expérimentations. Il montrera comment ces initiatives peuvent localement répondre à des enjeux de précarité alimentaire et d’ancrage des projets de transition agroécologique vers plus de durabilité des systèmes alimentaires, et nationalement enrichir l’idée d’une démocratie alimentaire.
DEMAIN! (DEMocratie Alimentaire INclusive) – Expertise collective pour une démocratie alimentaire transformatrice / MADABREST Où se met en œuvre la démocratie alimentaire aujourd’hui dans les territoires ? De quelle façon et avec quels impacts ? Avec le projet DEMAIN!, le consortium souhaite contribuer à l’amélioration de la compréhension des différentes approches de la démocratie alimentaire en France, dans leurs dimensions théoriques et opérationnelles avec et à partir du terrain. Il s’agit d’identifier les facteurs clés de succès, les zones de progrès et d’innovation, et d’outiller les porteurs de projet. Un focus thématique est prévu sur la dynamique des tiers-lieux nourriciers, dans le cadre du projet porté par France Tiers-lieux/ Fab’lim. Les deux projets croiseront leurs apprentissages en vue d’apports mutuels et possiblement de productions communes à destination des collectivités territoriales.
Les Nourritures terrestres, le projet qui booste la démocratie alimentaire / MOUVEMENT POUR L’ECONOMIE SOLIDAIRE OCCITANIE Sommes-nous capables d’engager une économie solidaire et populaire sur nos territoires ? De changer de regard sur les personnes au chômage ? De laisser la place aux personnes précarisées ? Savons-nous engager un processus de gouvernance des Communs pour une démocratie alimentaire et un accès digne à une alimentation de qualité ? Fédérant près de 35 lieux relais solidaires, le Mouvement d’Économie Solidaire d’Occitanie agit en faveur d’une économie citoyenne, ouverte au monde et engagée vers la transition sur les territoires. Il propose ici de documenter 50 initiatives alimentaires solidaires afin de créer un référentiel commun autour des processus de participation des citoyens, en particulier des personnes précaires. L’objectif est de diffuser les bonnes pratiques, et de formuler des éléments de plaidoyer en faveur de la démocratie alimentaire avec / à destination des réseaux de collectivités, réseaux ESS, réseaux agricoles et alimentaires, et l’enseignement-recherche au niveau local, national et européen (REPESS).
Atlas pratique des alimentations en communs / REMIX THE COMMONS L’Atlas est une démarche d’analyse et de documentation des pratiques d’alimentation en communs réalisée à partir et avec 4 territoires riches d’initiatives à la fois singulières et emblématiques : Autrans (La Jolie Colo), Marseille (L’Après M), Montreuil (le Mur à pêches) et Toulouse (Mixart Myrys et le réseau des Amap). Il examine, de la production à la consommation, les modes d’organisation, de coordination et de gouvernance de ces pratiques sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Le projet d’Atlas pratique se donne pour objet de structurer un commun informationnel pour partager de manière ouverte la connaissance et concevoir l’alimentation en commun à l’échelle de son territoire et de sa communauté.
Des SCIC pour une transition agricole citoyenne et territoriale ? / SCIC TERRES CITOYENNES ALBIGEOISES Structure citoyenne et hybride, l’association Terres Citoyennes Albigeoises porte un projet impliquant 4 SCIC (sociétés coopératives d’intérêt collectif) représentant une diversité de modes d’organisations, d’activités et de relations aux territoires, dans le cadre d’un programme de recherche piloté par l’INRAE / UMR AGIR (Agroécologie Innovation et Territoires). Ce programme vise à déterminer dans quelle mesure les SCIC contribuent au développement d’un modèle organisationnel et territorial porteur d’une transition écologique, économique et sociale. Financé par l’ADEME, il repose sur une méthodologie de recherche-intervention enrichie par une approche opérationnelle (échange d’expérience, mise en réseau…)
L’expérience des épiceries participatives dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial de la Plaine aux Plateaux / TERRE ET CITE Dans l’Ouest de la région parisienne, Terre et Cité s’associe à Monépi pour analyser les impacts et les enjeux rencontrés par les épiceries participatives (épis) au sein du système alimentaire local. Créés en 2015 sur le Plateau de Saclay, ces initiatives démocratiques donnent aujourd’hui accès à des produits locaux et durables dans une centaine de lieux en France grâce à des outils de gestion mutualisés et participatifs. Ce projet s’articule entre une étude des enjeux alimentaires et démocratiques des épis, des événements pour faciliter leur mise en réseau à différentes échelles et la réalisation de guides opérationnels. L’étude portera une attention particulière aux adaptations des épis à différents contextes (étudiant, intergénérationnel, précarité sociale…).
GRAIN, étude comparée de la mobilisations citoyennes en faveur de l’alimentation durable / TIERS LIEUX RIVE DROITE – ACCORDERIE DE CAEN Nées au Québec, Les Accorderies sont un modèle de coopératives portées par des personnes précaires. Les membres du Tiers-Lieux Rive Droite-Accorderie de Caen ont choisi de se mobiliser pour agir à l’échelle locale et contribuer à rendre l’alimentation durable plus accessible, en particulier à celles et ceux qui en sont exclus. Porté par des personnes précarisées, le projet part d’un diagnostic participatif des freins pour accéder à une alimentation durable, et cherche à identifier et tester des réponses qui semblent pertinentes à partir de l’expériences de plusieurs Accorderies. L’objectif est de permettre une analyse comparée des mécanismes de la mobilisation citoyenne avec d’approfondir la démarche. Il s’inscrit dans un projet plus large de recherche-action et de modélisation. Le projet cherche ainsi à explorer les nouvelles formes d’implication citoyenne permettant de répondre aux défis de l’alimentation durable.
Acclimat’action – vers une démocratie alimentaire / VRAC Bordeaux pour le collectif Acclimat’action Réunissant des acteurs de l’éducation populaire, du travail social et de la recherche, le collectif Acclimat’action constate l’incapacité des politiques publiques à formuler des réponses structurelles aux défis sociaux et climatiques, à court et long terme. Le projet proposé vise à accompagner des habitants de quartiers populaires de Bordeaux Métropole et du Pays Foyen dans l’élaboration et la diffusion de propositions pour transformer les dispositifs publics d’accès à l’alimentation. Il porte sur l’étude d’initiatives de quartier et inter-quartiers inclusives et participatives (laboratoire de transformation de légumes, groupements d’achats, bistrot et épicerie solidaires, supermarché coopératif, cuisine de rue…), l’expérimentation pour élaborer des propositions transformatrices, la capitalisation et la promotion des propositions pour interpeller les décideurs locaux.
Merci aux membres du jury !
Tous les projets ont été étudiés et discutés dans le cadre d’un jury constitué d’experts bénévoles. Nous les remercions pour leur participation et éclairages avisés.
- Catherine Darrot, Directrice de recherche, Agrocampus Ouest / CNRS
- Karine Lancement, Chef de projet Participation citoyenne et Transitions, Cerema
- Julian Mierzewski et Hélène Bellengier, chargés de mission, Ville de Grande Synthe
- Nadège Noisette, Elue municipale, Ville de Rennes
- Laurence Granchamp, Enseignante chercheuse, Université de Strasbourg / CNRS
- Pauline Salcedo, Coordinatrice, Pôle Inpact Centre
- Nicolas Krausz, Responsable de programmes, Fondation Charles Léopold Mayer
- Emilie Lanciano, Enseignante chercheuse, co-directrice de la chaire ESS Université Lyon 2
- Inga Wachsmann, Program manager, Fondation Porticus
- Patrice Ndiaye, Enseignant chercheur en droit, Université de Montpellier
- Albane Gaspard, Socio-économiste, ADEME
- Isabelle Touzard, Maire Ville de Murviel-lès-Montpellier
- Laetitia Bertholet et Nathalie Verbrouke, Responsables du programme Transition écologique et solidaire Fondation de France