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Diffusion de l’agroécologie : 10 nouveaux projets lauréats

Alimentation Durable
8 décembre 2022

Alors que les agriculteurs sont les premières victimes du réchauffement climatique, nous avons lancé il y a 3 ans, un appel à projets permettant à des collectifs venus de tous horizons de s’emparer de l’agroécologie afin de diffuser les pratiques par l’échange et le partage sur le terrain. En 2022, 10 projets ont été sélectionnés à travers la France par un jury d’experts bénévoles. Céréales, élevage, viticulture, maraîchage… au total depuis 2020, 23 initiatives ont reçu notre soutien pour un montant de plus de 1,3 millions d’euros au titre de l’Alimentation durable, en partenariat avec 4 grands réseaux : Fadear, Cuma, Civam et Trame. En phase avec notre volonté de promouvoir un nouveau modèle agricole, nous poursuivons notre action en travaillant sur l’étude, la capitalisation et l‘essaimage de ces expériences.

L’agroécologie : une voie d’avenir pour l’alimentation durable qui se construit aujourd’hui

Notre agriculture et notre alimentation sont au croisement de multiples (dés)équilibres : leurs formes les plus intensives et industrielles contribuent à la dégradation de la biodiversité́, au dérèglement climatique, aux pandémies d’obésité, de maladies. Elles paupérisent une partie des agriculteurs, vident les campagnes, tandis que se concentrent les pouvoirs économiques et que se creusent les inégalités. Les agriculteurs, éleveurs, pécheurs et aquaculteurs sont interpellés par ces enjeux, la majorité souhaite accélérer collectivement leur transition vers des formes d’agriculture plus respectueuses des personnes et des écosystèmes, des formes plus résilientes, autonomes.

Pour nous, l’agroécologie n’est pas considérée comme une forme particulière d’agriculture ou un ensemble déterminé́ de pratiques mais plutôt comme une vision pouvant transformer toutes les formes actuelles d’agriculture et comme une inspiration sur les chemins pour y parvenir. Elle est une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Elle les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement (ex : séquestration de carbone) et à régénérer les ressources naturelles. Intégrant les parcelles et le territoire de manière cohérente, l’agroécologie réintroduit de la diversité dans les systèmes de production agricole et restaure une mosaïque paysagère diversifiée où le rôle de la biodiversité est renforcé.

Cette transition massive doit s’appuyer sur les expériences singulières de chaque agriculteur qui, dans tous les réseaux agricoles, expérimente des pratiques agroécologiques. C’est pourquoi nous avons lancé en 2020, un appel à projets destiné à encourager la diffusion massive de ces pratiques. « Le choix de s’adresser aux collectifs nous a semblé particulièrement pertinent » explique Guilhem Soutou, Responsable Alimentation durable France. « D’abord parce que ce sont des enceintes privilégiées par la profession pour évoluer, notamment pour ceux qui souhaitent s’engager dans une démarche de transition. Au-delà des discours ambiants et des politiques publiques, elles offrent un espace concret de partage d’expériences, d’émulation et de témoignage pour ceux qui hésitent encore à passer le cap. Nous avons ainsi été particulièrement attentifs à ce que ces collectifs réunissent des profils et des approches différentes, parfois opposées, afin de permettre une diffusion des pratiques agroécologiques au-delà du cercle des convaincus. Pour cela, rien de tel que le dialogue sur le terrain ! Et bien sûr, des moyens, un encadrement et une méthodologie adaptés. »

Soutou
«
Le monde agricole bouge un peu partout. Des évolutions fondamentales sont en train de s’opérer de manière sous-terraine dont nous espérons voir les effets visibles dans les années à venir.
»
Guilhem Soutou, Responsable Alimentation durable France

Soutenir les agriculteurs dans leur volonté de transformation

Les agriculteurs engagés dans l’agroécologie ont éprouvé sa pertinence. Ils disposent de retours d’expérience, de connaissances agronomiques précieuses et utiles pour leurs confrères qui souhaitent s’engager dans la transition agroécologique. Avec cet appel à projets, nous avons souhaité favoriser l’échange et le partage d’expérience. C’est le cas de l’association Chemin Cueillant, une association qui œuvre pour une agroécologie paysanne dans le Minervois, un territoire rural à cheval entre l’Aude et l’Hérault. Avec une forte présence de la viticulture (80% de la part cultivée), une déprise agricole, et une forte sensibilité aux changements climatiques (sécheresses, inondations) le modèle agricole historique et dominant du Minervois devient une impasse. Grâce à notre soutien depuis 3 ans, l’association accompagne des paysans et des paysannes sur diverses thématiques, dont la fertilité des sols, les semences paysannes, la diversification par l’arboriculture et les alternatives phytosanitaires.

Au cours des 3 appels à projets, 23 projets ont été soutenus à hauteur de 1,3 M d’euros, marquant notre engagement à transformer les pratiques agricoles et ainsi construire une société plus écologique, inclusive et épanouissante. Cette action concerne un grand nombre de bassins de production sur le territoire, y compris en Outre-mer, aux caractéristiques pédoclimatiques et aux cultures variées. Les collectifs soutenus présentent des niveaux de maturité différents par rapport aux pratiques agroécologiques, permettant ainsi d’agir à tous les stades et pour tous types de public.

Cet accès au maillage territorial et à sa diversité, a été rendu possible grâce à l’implication de nos 4 partenaires. La Fédération Nationale des Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole (FNCUMA) à la tête d’un réseau de plus 10 000 coopératives, 51 fédérations de proximité et 10 fédérations régionales. resaLe Réseau de l’agriculture paysanne FADEAR qui réunit 66 associations. Le réseau des Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM) avec ses 130 associations. Et TRAME, centre de ressources destiné à apporter un appui aux agriculteurs, salariés agricoles et techniciens impliqués dans des associations locales, départementales de développement agricole et rural. « Avec des approches agricoles variées, les partenaires ont joué le jeu de la pluralité » tient à souligner Guilhem Soutou. « Ils ont été un soutien précieux par leurs connaissances et l’accès aux collectifs d’agriculteurs sur le terrain. »

Nicolas
«
Les pratiques agroécologiques invitent notre profession à se réinventer et faire de la complexité un terreau fertile. Si les agricultrices et agriculteurs de nos collectifs CIVAM se mobilisent autant, c’est parce que l’échange, le partage d’expériences, l’ouverture, la formation, sont les ingrédients qui nous permettent de construire sur l’exemplarité le système alimentaire du monde d'après.
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Nicolas Verzotti – Vice-président de Réseau Civam – Maraîcher à Le Thor
Matthieu Goehry Psdt FNCuma
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Ce partenariat illustre la légitimité du réseau Cuma autour de ces thématiques et la reconnaissance des nombreuses actions engagées au sein de nos collectifs pour la transition agroécologique.
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Matthieu Goehry, président de la FNCUMA

10 nouveaux projets soutenus en 2022

Pour cette 3ème et dernière édition, 10 projets portés par des collectifs d’agriculteurs, de productions et de tailles diverses ont été sélectionnés pour un montant total de 450 000 euros.

Parmi eux, Bio 46, le groupement des agriculteurs bio du Lot réunissant 129 adhérents. Avec la Chambre d’agriculture du Lot, Bio 46 a initié un projet autour de la complémentarité entre agriculture de conservation des sols et agriculture biologique.  « Pour les céréaliers que nous accompagnons, la problématique principale reste la gestion de l’enherbement, d’autant plus lorsqu’il n’y a pas de travail du sol profond et qu’il n’y a pas d’utilisation d’herbicide » explique Lucile Dréon, animatrice technique à Bio 46. « L’avantage de s’associer avec la Chambre d’agriculture est de pouvoir proposer à nos agriculteurs de combiner les pratiques de l’agriculture biologique avec d’autres pratiques agroécologiques. Une solution efficiente qui répond totalement aux besoins formulés par nos collectifs respectifs ! »

Sur ce territoire très diversifié en termes de production (cultures de noyers, de vignes et de céréales, élevage…), constat est fait que la spécialisation de l’agriculture a entrainé la diminution de la polyculture-élevage, le travail intensif du sol et l’utilisation importante de produits phytosanitaires. « L’agroécologie est une manière de redynamiser les exploitations et d’amener de la valeur ajoutée au niveau écologique et social. Rendre les exploitations plus résilientes et plus attractives est notamment un enjeu pour leur transmission. »

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Pour Bio 46, ce projet, qui n'aurait pas vu le jour sans le soutien financier de la Fondation Carasso, est essentiel. Les agriculteurs accompagnés vont appliquer concrètement de nouveaux itinéraires techniques vertueux sur leurs exploitations, impactant directement l’écosystème du territoire, ce qui est totalement dans nos valeurs !
»
Lucile Dréon, animatrice technique Bio 46

Les lauréats 2022

Bio 46 Deux collectifs du Lot, l’un en agriculture biologique animé par Bio 46 et l’autre, ClacSol en agriculture de conservation animé par la Chambre d’agriculture, vont échanger autour de la gestion du sol afin de partager leurs pratiques respectives sur l’enherbement, la fertilisation, la préparation du sol, le stockage carbone etc.

Bio Civam 11 Dans la région de Narbonne, les vignerons subissent de plein fouet l’accroissement des températures et des sécheresses. Dans les Corbières et le massif de La Clape, quatre groupes de vignerons, dont certains déjà engagés dans l’agriculture biologique et dans l’agroforesterie, vont étudier ensemble les solutions agroécologiques : enherbement et introduction du pâturage, intégration d’arbres fruitiers, plantation de haies, méthodes de vinifications, machinisme, etc. Ils vont également rendre visite à leurs voisins catalans pour s’inspirer de leurs pratiques.

Chemin Cueillant Face au changement climatique, un nombre croissant de paysans et de paysannes du Minervois sollicite Chemin Cueillant pour monter en compétences sur la mise en place de pratiques agroécologiques. L’association propose des formations, des journées techniques, des visites terrain et des expérimentations de pratiques agroécologiques adaptées aux conditions pédoclimatiques du Minervois. Alors qu’elle accompagnait déjà plusieurs caves coopératives dans cette démarche, ainsi que l’AOC Saint-Chinian, elle étend maintenant son accompagnement à l’AOC Minervois et au Cru La Livinière, deux collectifs viticoles du territoire.

Civam de l’Oasis L’autonomie en fertilisation organique est au cœur des réflexions de nombreux agriculteurs en grandes cultures polyculture élevage de la Champagne Crayeuse. Les adhérents du CIVAM de l’Oasis, le groupe « Agriculture Biologique de Conservation du grand Est », le GIEE Popecoles en Rhône-Alpes, et la Cuma des Sens partagerons leurs connaissances sur les stratégies d’implantation de couverts végétaux, les outils de triage de semences. Ces échanges viseront également la conception d’un modèle économique de production et d’échanges de semences.

Civam du Pays Ruffecois L’élevage est très peu présent dans la région des Charentes, entraînant la perte des avantages agronomiques, économiques et sociaux qui y sont liés. Des céréaliers du Pays Ruffecois ont l’envie de retrouver et réinventer les liens entre cultures et élevages, tandis que les agriculteurs du CEMES-CESAM, les viticulteurs de la FRAB Nouvelle-Aquitaine et des CUMA entament des réflexions similaires. Des échanges entre eux et avec les éleveurs du CIVAM Charente-Limousine vont leurs permettre de profiter des expériences de chacun et d’avancer sur la réintégration de l’agriculture et de l’élevage.

FD Civam du Gard Dans le Languedoc, 50 agriculteurs, céréaliers, vignerons et jeunes en installation, souhaitent cultiver des plantes aromatiques et médicinales pour améliorer leurs revenus et encourager la multiplication des pollinisateurs. Sous l’impulsion de la coopérative Bio ORB PPAM, ils vont échanger et s’entraider pour améliorer les itinéraires de culture biologiques et l’accès aux équipements.

Fr Cuma AuRa Une cinquantaine l’éleveurs du territoire Rhône-Loire issus des réseaux CUMA, de la Fédération des Eleveurs et Vétérinaires en Convention et du Centre de Développement de l’Agroécologie échangent sur les pratiques agroécologiques de gestion de la santé animale, de l’autonomie fourragère, de la santé des sols, etc. Avec l’appui de la FR CUMA, du réseau TRAME et de l’Institut supérieur d’agriculture Rhône Alpes (Isara) ; ils forment des éleveurs- formateurs et animent « Radio Fourrage », avec chroniques, des visites de fermes, le village des innovations. Cet outil de communication leur permet de repérer et d’échanger avec d’autres collectifs innovants dans la région et de diffuser les connaissances du groupe.

Fr Cuma Ouest L’association de céréales et légumineuses est une pratique agroécologique prometteuse, qui se heurte à des enjeux techniques notamment lors du triage des récoltes. Plusieurs centaines d’agriculteurs répartis dans 30 groupes issus des réseaux CUMA, CIVAM, CETA et GAB des régions Bretagne, Pays de la Loire et Normandie échangent via des visites de groupes ou des rencontres annuelles sur les solutions de triage pour massifier cette pratique.

Patur’en Pilat et PNR Pilat En Rhône-Alpes-Auvergne, l’association d’éleveurs Patur’en Pilat expérimente depuis 8 ans des modes agroécologiques de gestion globale de la ressource fourragère dans leur territoire de moyenne montagne. Ils accélèrent maintenant leur transition vers des systèmes d’élevage herbagers pâturant et économes et entrent en discussion avec d’autres groupes d’éleveurs faisant face aux même défis (FEVEC, comités de développement…). Ils s’appuieront sur un accompagnement du Parc naturel régional Pilat et sur le réseau national d’éleveurs Patur’ajuste animé par SCOPELA afin de capitaliser leurs expériences et les apports techniques générés.

PETR Midi Quercy Les acteurs du territoire du Pays Midi Quercy ont constaté l’isolement et l’absence de liens entre les agriculteurs. Depuis début 2021, le Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays, avec l’ADEAR82, le CIVAM Semailles et la FDCUMA82 organisent des échanges autour de pratiques agroécologiques en maraichage, volaille, et céréales. Les agriculteurs s’approprient maintenant ces enjeux et développent des expérimentations concrètes.

Cette sélection a été rendue possible grâce à l’expertise et l’engagement bénévole d’un jury composé d’agriculteurs, de chercheurs, d’ingénieurs, de sociologues et d’experts issus de collectivités locales et de fondations. Nous tenions à les en remercier ici.

  • Aline BOY, Adjointe au chef de projet agroécologique, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation
  • Claire RUAULT Sociologue membre du GERDAL, Intervenante à l’IRC Montpellier
  • Félix NOBLIA Agriculteur pionnier dans le Semi direct sur couverture végétal biologique
  • Samuel FERET, Expert associé, responsable de projet chez CIHEAM Montpellier, Maire d’Arzal
  • Stéphane BELLON Ingénieur de recherche au département Science pour l’action et le développement de l’INRAE
  • Thierry GISSINGER, Responsable du Programme Environnement de la Fondation de France
  • Véronique LUCAS, Chercheuse indépendante – Docteure associée à l’UMR Innovation (INRA-SAD) Montpellier

Capitaliser, essaimer et poursuivre notre engagement pour l’agroécologie

Concomitamment aux soutiens financiers, la Fondation s’est engagée à accompagner les projets dans leur mise en œuvre, le suivi de leur impact et l’apprentissage collectif. D’abord par la mobilisation du réseau de bénévolat de compétences sénior ECTI qui met à disposition des projets l’expérience de ses membres, notamment en agriculture et en alimentation. Mais aussi avec l’équipe du Gerdal Défis, groupe d’expérimentation et de recherche, composé de sociologues du travail et du développement rural et local, que nous avons missionné. Il réunit régulièrement tous les lauréats, organise des visites, mène des entretiens et des recherches bibliographiques, recueille des informations. L’objectif ? Appréhender l’impact de ces expérimentations en collectif mais aussi apporter des réponses concrètes : comment mobiliser davantage les agriculteurs, dynamiser les groupes, les faire perdurer ? Comment capitaliser et produire des références techniques en agroécologie utiles, pertinentes, accessibles, à jour, éprouvées ? Comment faire bon usage de ce qui s’échange dans les temps informels, évaluer l’impact de nos activités sur les changements de pratiques ? Ainsi l’année 2023 sera pleinement consacrée à cette recherche pour permettre de diffuser les fruits de ces expériences.

Alors qu’une page est en train de se tourner avec la fin de cet appel à projets, notre Fondation reste pleinement convaincue que l’agroécologie doit encore être encouragée et promue. « Plus que jamais, nous devons réagir face à l’urgence climatique et les appels à la mobilisation de la profession et des citoyens. Nous allons continuer à travailler sur ce sujet avec énergie, pragmatisme et ouverture » conclut Guilhem Soutou. A suivre !

agroecologie
Les lauréats des 3 éditions
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